Le 3 6 9 12, vous connaissez ? C’est la balise imaginée par le psychiatre Serge Tisseron pour apprendre à apprivoiser les écrans. Parce qu’ils sont partout autour de nous, il devient de plus en plus difficile d’y échapper. Et pour mieux les apprécier, quelques précautions d’usage sont préconisées pour accompagner nos Bout’choux.

Certains pensent qu’ils sont dangereux pour nos enfants, d’autres inoffensifs, ou bien un peu tout ça en même temps. Qu’en est-il ?

Pas d'écran avant 3 ans

Un écran n’est ni bon, ni mauvais en soi. Il est une fenêtre ouverte sur le monde, il permet de se distraire, de jouer, d’apprendre… Il est aussi utilisé pour certaines pathologies et troubles. Mais une consommation excessive ou inappropriée peut aussi provoquer des troubles, surtout chez les jeunes enfants.

Nous le savons, un écran n’est qu’un outil. Il faut donc apprendre à l’utiliser. Pour nous y aider, voici les recommandations du psychiatre Serge Tisseron.

Comprendre le développement de l'enfant pour comprendre le 3 6 9 12

Dès la naissance, l’enfant à besoin de faire fonctionner ses cinq sens, afin de les développer. Jouer, toucher, manipuler, tester, se déplacer, goûter, écouter, communiquer… sont des activités essentielles pour un bon développement.

Pour ce faire Bout’chou doit entrer en contact avec le réel, c’est à dire avec des êtres vivants et des objets qui existent concrètement (poupées, cubes, hochets…) afin de tester et d’entrer en relation.

Pour comprendre le monde, il doit avoir une expérience physique avec les objets. En touchant un cube il perçoit ses trois dimensions géométriques (largeur, profondeur, hauteur). Il ressent la sensation de la matière, de la température, le poids.

En manipulant un objet il constate et comprend les règles essentielles de la physique : quand je lâche le cube il tombe par terre, il rebondit ou pas, il fait du bruit… Quand je lance la balle elle roule, quand je presse mon pousse et mon index je peux prendre des objets plus petits…

En mettant l’objet dans sa bouche, Bout’chou accède à un tas d’autres informations utiles pour le développement de son cerveau (goût, texture, forme, consistance…).

Bout’chou imite aussi les sons, les mimiques, les faits et gestes de ceux qui l’entourent. C’est inné et c’est ainsi qu’il apprend à parler, à adapter ses comportements. Il a besoin d’interagir, d’échanger.

Bref, l’expérience concrète de l’enfant lui permet de comprendre comment les objets et les personnes de son entourage fonctionnent. Et c’est ainsi qu’il assimile les règles et lois de notre monde, apprend à agir et à s’adapter à son environnement.

De façon général il est conseillé de ne pas laisser la télé allumée dans une pièce quand personne ne la regarde. Même si Bout’Chou semble être accaparé par son activité, le fond sonore attirera son attention. Or pour bien se développer et comprendre le monde dans lequel il évolue, l’enfant a besoin de jouer dans un environnement qui favorise sa concentration. C’est pourquoi les spécialistes déconseillent fortement la télévision dans la chambre.

De 0 à 3 ans

Il est conseillé de limiter les écrans au maximum pour permettre au jeune enfant d’explorer et d’entrer en interaction, le plus souvent possible, avec le monde réel.  En cas d’indisponibilité, il est préférable de laisser Bout’chou jouer seul, dans un endroit sécurisé, avec des jouets traditionnels adaptés à son âge (hochet, poupée, peluche, dinette, camion…). Dans la mesure du possible, ne laissons pas Bout’chou seul face à un écran.

Les tablettes, smartphones… ont un réel pouvoir de fascination sur nous tous et encore plus sur le jeune enfant. Ils pourraient le détourner des activités, jeux et expérimentations nécessaires à son développement. Un écran, aussi interactif et ludique soit-il, et parce qu’il ne propose que des activités virtuelles, ne peut pas remplacer les activités de la vie réelle.

Évidemment c’est plus facile à dire qu’à faire. Et c’était plus facile à respecter quand les écrans n’avaient pas encore envahi tout notre espace.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un enfant n’a pas besoin d’un écran pour développer son intelligence ou devenir bilingue, contrairement à ce qu’on peut entendre. Et qu’il faut éviter de se servir de son smartphone comme d’un doudou ou d’un parent alternatif. Mais pas de panique, car si de façon générale, nous accompagnons l’éveil de votre enfant et que nous répondons à l’ensemble de ses besoins, une exposition exceptionnelle et de très courte durée ne pose pas de problème. Et ça c’est l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique qui le dit.

De 3 à 6 ans

Bout’chou peut commencer sa découverte des écrans (internet est déconseillé avant 9 ans) mais toujours avec un adulte à ses côtés. Des règles claires quant à son usage et le temps d’utilisation doivent être expliquées et appliquées. Les pièces communes comme le salon ou la salle à manger sont les plus adaptées pour l’utilisation des écrans à cet âge. De cette façon l’écran s’inscrit dans les activités familiales.

Pensons à vérifier les conditions d’âge et la qualité des programmes. Nous devons aussi tenir compte de la sensibilité de Bout’chou. En effet, certaines scènes, même adaptées à son âge, peuvent être trop intenses pour lui. 

Les enfants aiment regarder leur dessin animé préféré avec leurs parents. Faisons durer le plaisir en engageant une discussion autour du programme. Ils adorent ça et cerise sur le gâteau : ils développent leur langage.    

N’oublions pas que les temps de repas participent au renforcement des liens familiaux, permettent de discuter, de se confier, de se détendre, de partager un moment convivial… à condition que les écrans ne soient pas de la partie.

Au fait, saviez-vous que la lumière envoyée par les écrans diminue la production de la mélatonine, l’hormone qui favorise l’endormissement ? Donc évitons les écrans au moins une heure avant le coucher.

De 6 à 9 ans

Les conseils précédents (pas d’écran dans la chambre, ni à table, on partage des activités…) s’ajoutent à ceux-ci.

L’enfant peut s’initier aux jeux vidéos mais restons vigilants sur les paramètres et sur l’âge auquel s’adresse le jeu. Certains d’entre eux sont très violents et les images peuvent être très réalistes. Rien à voir avec les jeux vidéos que nous avons connus. Aïe ! je viens de vous donner un sacré coup de vieux, désolée 🤭. Au fait certains jeux permettent de jouer en famille.

Il est déconseillé d’utiliser internet avant l’âge de 9 ans. Néanmoins on peut déjà attirer l’attention de Bout-chou sur les bonnes pratiques. Notamment le droit à l’intimité et le droit à l’image en lui expliquant les trois principes numériques essentiels à connaître avant de surfer sur le web :

  • nous n’avons pas la main sur les informations envoyées sur internet. Elles peuvent être vues, partagées, réutilisées, modifiées par tout le monde,
  • une information envoyée sur internet a vocation à y rester. Toutefois il est maintenant possible de demander le retrait de certaines informations. Le site de la CNIL explique comment procéder,
  • Il est difficile de faire la différence entre les infos et les intox. Ce troisième principe est un formidable moyen de développer l’esprit critique de Bout-chou. Par exemple en lui expliquant que les sites officiels donnent des informations vérifiées.

De 9 à 12 ans

Les conseils précédents (pas d’écran dans la chambre, ni à table, on partage des activités…) sont toujours valables.

Bout-chou peut commencer à utiliser internet. C’est à nous de décider s’il peut l’utiliser seul (en restant à proximité) ou pas et à quel moment. Intéressons-nous à ce qu’il y fait. Et rappelons-lui les trois principes numériques ainsi que le droit à l’intimité et à l’image.

N’oublions pas d’installer le contrôle parental afin de le protéger des sites inadaptés. Et gardons à l’esprit que la plupart des réseaux sociaux (au moment où j’écris cet article) sont interdits avant l’âge de 13 ans.

Pensons à répartir judicieusement le temps maximum d’utilisation sur l’ensemble des écrans (télé, téléphone portable s’il y a, tablette, ordinateur) afin d’éviter une surconsommation.

À partir de 12 ans

Toujours pas d’écran dans la chambre, ni à table, on partage des activités, on continue de jouer ensemble et de discuter…

Bout’chou est considéré comme suffisamment grand pour utiliser internet seul à condition que les règles précédentes aient été intégrées. Il nous revient toujours de définir les règles d’usage et la durée d’utilisation. Pensons à vérifier le bon paramétrage du contrôle parental.

Pensons à informer Bout’chou sur les dangers de la pornographie, du harcèlement en ligne mais aussi sur le plagiat et les conditions du téléchargement. Précisons les bonnes pratiques sur les réseaux sociaux (pas avant 13 ans pour la plupart d’entre eux). Par exemple on n’accepte pas d’invitation d’inconnu, on ne divulgue pas ses coordonnées sur la toile, on ne visionne pas les vidéos ou photos douteuses (violentes, indécentes, humiliantes, dangereuses…), on les signale et on ne les partage pas, on ne partage pas de photos ou vidéos sans l’accord de toutes les personnes qui y apparaissent…

Certains réseaux sociaux et applications proposent de supprimer automatiquement les photos envoyées au bout de 24 heures. Mais une capture d’écran est toujours possible… Internet est loin d’être un long fleuve tranquille.

Le 3 6 9 12 et le temps d'utilisation

Comme souvent pour les sujets polémiques, et la consommation d’écran en est un, personne n’est d’accord. Les conseils sur les temps d’utilisation varient d’un pays à l’autre, d’un expert à l’autre.

France

En France, on vient de le voir, c’est la balise 3 6 9 12 qui conseille les parents sur l’utilisation des écrans. Mais elle ne dit rien sur la durée d’utilisation au delà de l’âge de 3 ans. La Direction Générale de la Santé déconseille, elle aussi, l’utilisation des écrans avant l’âge de 3 ans mais sans autres précisions. Et l’Association Française de Pédiatrie ambulatoire s’appuie sur le 3 6 9 12 de Serge Tisseron. Seul le Plan national nutrition santé conseille moins d’1 heure d’utilisation quotidienne entre 2 et 5 ans, avec une absence totale d’utilisation jusqu’à 2 ans.

Certains spécialistes vont encore plus loin en préconisant une absence d’utilisation jusqu’à 6 ans. Notamment le chercheur français en neurosciences cognitives, Michel Desmurget, et le psychologue suisse Édouard Gentaz. Le chercheur préconise 1 heure d’utilisation à partir de 6 ans.

Amérique du nord

La société canadienne de pédiatrie préconise aucun écran avant 2 ans, 1 heure par jour maximum entre 2 et 4 ans, deux heures par jour maximum après 4 ans.

L’Académie américaine de pédiatrie conseille, elle aussi, zéro écran pour les moins de 2 ans et moins de 1 heure d’utilisation par jour pour les 2 à 5 ans.

Aussi bien en France qu’en Amérique du nord, tous préconisent de ne pas installer d’écran dans la chambre, de ne pas utiliser d’écran au moins une heure avant le coucher et de veiller à ce que l’utilisation d’écran ne réduise pas le temps accordé aux autres activités essentielles au développement (communiquer, jouer, lire, faire des activités physiques…), aux devoirs et au temps de sommeil.

Ressources

Catégories : Parentalité

Cécile Dhifallah

Formée au développement psychologique de l'enfant et diplômée en sciences de l’éducation. Je suis aussi la maman d'une ado, avec qui je mets en pratique la théorie de l'éducation positive, que j'adapte à ma sauce. J'espère que mon site vous aidera à trouver votre propre recette ;)

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