Les caprices sont la bête noire des parents. Les cris, les pleurs, les roulades par terre… Ces comportements excessifs nous gênent, nous exaspèrent, nous culpabilisent, voire nous font honte quand ils ont lieu en public. Mais s’agit-il vraiment de caprices ?
Les enfants font-ils des caprices ?
Personne n’est d’accord sur cette question. Certains pensent que tout est caprice, d’autres que tout est besoin. Une chose est sûre, l’enfant n’a pas les capacités intellectuelles de faire des caprices avant ses 18 mois. Car pour faire un caprice, il faut :
- imaginer l’objet convoité,
- choisir la meilleure stratégie à utiliser pour l’obtenir. Ici il ne s’agit pas de manipulation, juste d’un raisonnement.
Et avant 18 mois, le cerveau de bébé est incapable de faire ça car il n’est pas assez développé. En effet, avant 18 mois les enfants pensent que les objets qu’ils ne voient plus n’existent plus. Vous l’aurez compris : un bébé de moins de 18 mois qui pleure ne fait pas un caprice : il a besoin de quelque chose. C’est une certitude. Mais après 18 mois, le caprice est envisageable intellectuellement parlant. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’après 18 mois toutes les crises de Bout’chou seraient des caprices. Ce n’est pas aussi simple que ça.
Au fait, savez-vous que le cerveau atteint sa maturité à l’âge de 25 ans environ, voire même 45 ou 50 ans pour certaines compétences. Ce qui nous laisse encore quelques délicieuses années de crises intempestives devant nous 🥴… Mais non, je blague ! Car le cerveau va énormément évolué de la naissance à 5 ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que les crises de colère culminent entre 2 ans et 3 ans et demi (la période d’opposition) puis diminuent pour presque disparaître aux alentours de 5 ou 6 ans. Donc non, Bout’chou ne se roulera pas par terre dans les magasins jusqu’à ses 25 ans. Ouf 😅 !
Besoin, désir ou caprice ?
Comment faire la différence entre un besoin, un désir et un caprice ? Prenons le dictionnaire pour y voir plus clair. Le Larousse nous explique qu’un besoin est un sentiment ressenti lorsqu’un objet, nécessaire à la vie, vital, vient à manquer. Ne pas répondre à ce sentiment ressenti pourrait donc nous mettre en danger. C’est pourquoi il est important de connaître l’ensemble des besoins de l’enfant.
Mais le besoin ne doit pas être confondu avec le désir, qui lui n’est pas nécessaire à la vie, il relève du superflu. Autre chose différencie nos besoins de nos désirs : les besoins sont limités alors que les désirs sont infinis. Mais ce n’est pas parce que les désirs ne sont pas indispensables à notre survie qu’il ne faut jamais les assouvir. Sinon, vous imaginez la frustration ? Au secours 😖 !
Et le caprice alors ? Selon le Larousse c’est « une volonté soudaine, irréfléchie et changeante de quelqu’un, […] une lubie ». Le caprice est donc une simple envie à un moment précis et relève donc du désir plutôt que du besoin. Car on peut difficilement avoir une envie soudaine et changeante ou la lubie de respirer, vous en conviendrez. Donc si j’en crois la définition du Larousse, et j’y crois, tout le monde est en capacité intellectuelle de faire des caprices, à partir de 18 mois.
Changer de perspective
Imaginons que le caprice de Bout’chou soit de vouloir subitement un bonbon d’une couleur précise. Et qu’il ne l’obtienne pas. Il risque de se mettre en colère. Mais cette colère n’est pas un caprice, juste la conséquence de la non satisfaction du caprice. Et franchement, qui peut reprocher à Bout’chou de vouloir un bonbon jaune plutôt que vert ?
D’ailleurs, c’est bien la crise de colère qui tape sur les nerfs des parents, pas la nouvelle lubie de Bout’chou. C’est donc elle qui doit nous préoccuper. Mais non je ne coupe pas les cheveux en quatre. Je vous explique où je veux en venir : un caprice est vu de façon négative car changeant et pas nécessaire à la survie. Il est souvent considéré comme sans importance. Il est donc entendable que nous cherchions à nous en débarrasser d’un revers de mains.
Mais quand on choisit de se focaliser sur les conséquences d’ un caprice non assouvi, c’est à dire sur le potentiel « tourné roulé au sol », on change de perspective. Car une crise de colère, c’est quand même un peu plus conséquent qu’un simple caprice, ça a l’air sérieux. Et quand on sait que derrière cette crise de colère se cache peut-être un besoin non satisfait, on voit les choses autrement et on est plus disposé à y prêter attention. Voilà où je voulais en venir.
Faire preuve d'empathie
Mais pour bien comprendre par quoi passe Bout’chou, revenons à la couleur du bonbon et mettons-nous à sa place quelques instants. Imaginons qu’en plus de ne pas avoir le bonbon de la bonne couleur, il apprenne que c’était le dernier bonbon. Mais ce n’est qu’un bonbon me direz-vous, il n’y a pas mort d’homme. Oui, c’est vrai.
Mais quelle tête fait-on, nous, quand on nous dit : « désolé mais dans cette couleur, je viens tout juste de vendre la dernière paire » 😭 😭 😭 ? Vous conviendrez qu’il n’y a pas mort d’homme non plus, et pourtant à cette simple annonce certains d’entre nous se sentiront plus ou moins frustrés, agacés ou énervés voire carrément en pétard. Ne serait-ce pas notre façon, à nous adultes, de nous rouler par terre ? Pas facile d’accueillir sereinement la frustration, aussi bien pour Bout’chou que pour nous. Pour en prendre conscience, rien de mieux que ce petit exercice d’empathie. Et le cerveau des adultes est mature, contrairement à celui de Bout’chou…
Le caprice décortiqué
Le caprice de Bout’chou n’a donc pas été exaucé et il doit maintenant faire face à une grande frustration, qui a toutes les chances de s’accompagner d’une décharge émotionnelle. Il se met donc à hurler, voire à se rouler par terre. Et vous, de votre côté, vous êtes sidéré, consterné par ce « spectacle » provoqué par un simple bonbon.
Les précautions à prendre
Pour tenter de comprendre la situation vous vous mettez à la place de Bout’chou, vous imaginez l’objet tant convoité qui vous passe sous le nez et vous vous dites que oui, à sa place vous aussi vous seriez en colère. Mais de là à se rouler par terre… Et tous ces gens qui vous dévisagent 😡. Au secours ! Pourtant vous avez fait ce qu’il fallait :
- vous avez informé Bout’chou du déroulement des évènements : que vous alliez faire des courses ensemble et qu’il pourra choisir ses yaourts préférés,
- vous lui avez confié une mission : c’est lui qui a choisi et pesé les pommes,
- vous avez accepté son refus de vous tenir la main et lui avez proposé une alternative : choisir entre se tenir à votre sac ou à votre caddie,
Malgré tout, Bout’chou a piqué une crise. C’est bien la preuve qu’il s’agit d’un caprice me direz-vous ! Que nenni : la parentalité positive a plus d’une explication dans sa poche. Si Bout’Chou se roule par terre malgré toutes vos précautions, c’est peut-être qu’il se cache un besoin non satisfait là dessous.
Caprice ou besoin ?
Donc vous faites vos courses. Mais les magasins sont de véritables boites de sur-stimulations pour nos enfants. Rendez-vous compte : toutes ces couleurs, ces produits, ce bruit, cette lumière, ce monde… C’est fatiguant et frustrant pour Bout’chou. Sa crise exprime peut-être un besoin de calme, de repos, de réconfort ou bien il a faim, soif, a trop chaud ou trop froid, il a besoin d’affection…
Et quand un enfant de moins de 6 ans fait face, trop longtemps, à un besoin non satisfait, il est dans l’impossibilité de prendre du recul car il est envahi par ses émotions et pour lui, c’est catastrophique. Car c’est son cerveau archaïque et son cerveau limbique qui prennent les commandes à ce moment là plutôt que son cortex, qui est d’ailleurs très peu performant à cet âge.
Le cerveau limbique ou émotionnel est responsable de nos comportements. On dit souvent qu’il est le siège de nos instincts et émotions. Le cerveau archaïque nous permet de réagir face à un danger immédiat : on réagit, on se sauve ou on se fige. Le cortex est le cerveau qui permet le raisonnement. Mais la pédiatre Catherine Gueguen nous explique que le cortex de l’enfant est immature et que c’est lui qui contrôle les cerveaux archaïque et limbique. C’est aussi lui qui régule les émotions. On est d’accord, il y a comme un problème.
Il n’y aurait donc aucune issue ? Le seul moyen de faire cesser ces crises intempestives serait-il de hurler, punir voire de fesser Bout’chou ? Heureusement avec l’éducation, il existe toujours d’autres solutions…
Faire autrement en éducation demande toujours un peu d’entraînement. De ce fait il se pourrait que vous ne soyez pas à l’aise avec l’alternative que je vais vous proposer. Et c’est normal, tout le monde réagit ainsi face à la nouveauté. Mais rassurez-vous, le « syndrome du débutant » ne dure pas longtemps. Et une fois que vous saurez utiliser ces alternatives, il se pourrait que vos courses et même l’ambiance à la maison changent du tout au tout.
Accompagner les émotions fortes
Il existe un moyen efficace (mais pas magique, on est d’accord ?!) d’accompagner les émotions fortes de Bout’chou : les accueillir avec bienveillance et empathie. Ainsi, nous permettons aux circuits cérébraux de maturer, ce qui aura pour effet de développer le cortex. Et qui dit cortex développé dit émotions régulées. C’est encore Catherine Gueguen qui le dit. Mais comment faire, concrètement, pour accompagner les émotions fortes de Bout’chou ?
La régulation pendant la crise
Si Bout’chou est en pleine crise de colère, c’est qu’il n’a pas réussi à satisfaire son besoin ou bien qu’il ne parvient pas à réguler sa frustration. Et il va l’exprimer à sa manière. Pour accueillir au mieux la colère de Bout’chou :
- respirez profondément, plusieurs fois, pour garder votre calme,
- mettez-vous à sa place pour être en empathie avec lui et comprendre ce qu’il vit, sans porter de jugement,
- gardez en mémoire que Bout’chou ne vous cherche pas, il est seulement envahit par ses émotions qu’il ne peut pas réguler sans votre aide avant l’âge de 6 ans,
- restez à ses côtés, durant toute la crise, pour vous assurer qu’il ne blessera personne,
- proposez-lui un câlin pour recharger ses batteries en ocytocine, la fameuse « hormone de l’amour » capable de réduire le stress et d’augmenter la sensation de bien-être. S’il refuse tout contact, attendez la fin de la crise. S’il ne veut toujours pas de câlin, respectez son choix,
- après la crise, montrez-lui que vous le comprenez, le soutenez en lui demandant comment il va, s’il se sent mieux… Bref en posant des mots sur ce qu’il vient de se passer. Il se pourrait que Bout’chou ait besoin d’un câlin à ce moment là,
- proposez de faire autrement la prochaine fois : « on fera des courses moins longues, tu amèneras ton jouet pour t’aider à patienter, tu resteras à la maison… »
La régulation préventive
Et il existe un autre moyen, encore plus efficace et moins gênant pour nous : prévenir les émotions fortes pour éviter que Bout’chou se roule par terre en public. Pour ce faire il s’agit toujours d’accueillir avec bienveillance et empathie ce que vit l’enfant, mais avant qu’il soit dépassé par ses émotions :
- observez ses comportements et intervenez dès que les premiers signes d’impatience se manifestent,
- nommez le changement de comportement, de façon bienveillante et empathique : « tu commences à remuer dans tous les sens, j’ai l’impression que quelque chose ne va pas. »
- reformulez la réponse de votre enfant ou déduisez-la : « tu en as marre d’être ici. Tu veux rentrer à la maison. »
- exprimez votre compréhension : « la sortie a été trop longue » et complimentez le fait qu’il se soit bien comporté jusqu’à présent,
- expliquez-lui ce qui va se passer maintenant. Si vous rentrez de suite, la situation ne devrait pas trop dégénérer, mais si vous en avez encore pour un moment, il se pourrait que Bout’chou se laisse envahir par ses émotions,
- dans ce cas utilisez la régulation « pendant la crise ».
En montrant à votre enfant que vous êtes sensible à ce qu’il vit, vous le rassurez et faites baisser la pression. Aussi, en accueillant ses émotions vous lui apprenez à les réguler. Par la même occasion vous augmentez vos propres compétences émotionnelles. Youhhhoooouuu 🎊🎉. Savoir réguler ses émotions est une compétence essentielle dans la vie car cela favorise une bonne santé mentale et physique ainsi que de bonnes relations sociales.
Modifier un comportement nécessite de l’énergie et ne se fait pas en un jour. Attendez d’être en forme avant de vous y mettre. Le meilleur moyen d’apprendre quelque chose est de se fixer plusieurs petits objectifs réalistes pour atteindre un objectif final. N’hésitez donc pas à découper votre apprentissage en plusieurs étapes. Par exemple, entraînez-vous, sur plusieurs jours, sur une seule étape. Lorsque cette étape est acquise, ajoutez-en une autre et procédez de la même façon. Et n’oubliez pas que les pratiques parentales qui facilitent l’éducation n’ont pas le pouvoir de la faciliter toujours ni tout le temps 🙂.
Ressources de l'article
- Psychologie du développement de l’enfant, Diane E. Papalia, Gabriela Martorell, Chenelière éducation, 9ème édition, 2019
- Psychologie du développement, Ouvertures Psychologiques, Kathleen Stassen Berger, Éditions de boeck, 2ème édition, 2012
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